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Du bout d'ici... Mon Ange...
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15 janvier 2006

7 - Mina

vent_d_ange

Ma grand-mère avait reçu un enseignement de sa propre mère avec cette continuité de l'irréel. En tant que femme, capable de donner la vie, sa force créatrice l'avait placée en une place inespérée de communication. Jusqu'à l'âge de 13 ans, elle avait accompli les rites transmis par ses aïeules, au creux dans la toute petite fontaine du Vaucluse, seul univers d'humidité conservé en France. Les hommes se battaient contre les vents, les femmes s'organisaient autour.

Un matin, semblable à tous les autres matins, Mina qui comptait les jours avant la grande initiation, partit dans les collines au milieu des herbes sèches. Elle était attirée par une lueur vers l'Ouest, à l'opposé du soleil levant. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi la lune était encore si brillante. Dans la clairière derrière l'abbaye, alors que la nuit aurait du encore persister, des lueurs étonnantes envoyaient des signaux. Et dans sa tête, elle crut les recevoir, comme pour entendre leur sens profond. Elle compris qu'elle se trouvait face à des entités, des choses vivantes, elle ne pouvait se l'expliquer, mais c'était indéniable. Elle s'aplatit sur le sol poussiéreux, avalant tant et plus la poussière fine et ocrée de la région. Elle rampa jusqu'à un point culminant. Et bientôt, dans son esprit, elle entendit des paroles. Des bribes de conversation totalement surréaliste…

"Cela fait trop longtemps que nous sommes là, la planète ne tiendra pas le coup. Soit nous partons, soit nous nous accomplissons."

"Les humains ne résisteront pas à notre accouplement, il y aura trop de pertes et nous ne serons donc pas assurés du temps de la gestation."

"Comment être sûrs que nous trouverons le guide puis le vecteur ? Tout ici est trop aléatoire. Civilisation engoncée, très peu évoluée"

Mina avait fermé les yeux et se laissait bercer, si tant est que l'on puisse le faire avec de telles phrases.

Elle se sentait aussi minuscule qu'un grain de poussière, abandonnée dans un coin de l'univers, mais aussi, elle se savait "celle" qui pourrait entraver les rouages et faire repartir les élans dans d'autres sens.

Bien sûr, elle avait été initiée très jeune à recevoir les pensées des autres êtres vivants, sans pour autant les voir ou les entendre. Souvent, lorsqu'elle se promenait dans les bois, elle comprenait jusqu'au murmure de la jeune fougère qui sommeille encore sous l'humus printanier… Elle soignait d'ailleurs beaucoup plus qu'elle n'échangeait. Toujours à l'affût de celui ou celle en détresse. Mais à cet instant, elle sentait en elle comme un grand haut parleur qu'elle n'aurait pas masquer. Un sens dans les phrases qui étaient pour elle, sans véritablement d'interrogation.

Elle se hissa et regarda un peu mieux le balai de ces ombres épaisses, elle sentit dans ses cheveux le vent qui rend fou, qui vous pénètre, vous transperce et vous possède. Mais elle ne laissa pas la peur l'envahir, et du haut de sa petite taille, elle s'éleva en criant du plus fort que le pouvaient ses poumons :

- Je vous entends et vous ne mangerez pas ma planète !

Dans la clairière, tout se fit alors silencieux. Et en plein milieu de cette nuit, il n'y avait pas grand chose à entendre. Pourtant, cette voix de presque-jeune fille fut comme un poignard dans le noir ! L'épaisseur des ténèbres commença à se muer, imperturbablement, vers le petit corps apeuré.

Mina fermait encore plus ses yeux, pensant ainsi se protéger des forces engagées. Mais la peur semblait partir peu à peu d'elle-même, comme une promesse qu'il ne pourrait rien lui arriver. Comme des milliers de plumes, elle sentit sur elle le regard des entités. Elle comprenait leurs interrogations. Elle laissait son esprit ouvert aux vagabondages de tous ces autres. Elle ne voulait certainement pas résister, trop consciente du salut qu'elle pouvait représenter pour ses descendants.

Dans une sorte de vision surréaliste, elle devina sur les nuages un visage d'une jeune fille plus âgée qu'elle. Dans un temps futur, assez lointain. Les entités s'emparèrent de cette vision et éclatèrent d'un rire de victoire… Une porte immense s'ouvrait pour eux, la réalité de leur présence ici, la possibilité de continuer à grandir et l'effarante évidence qu'ils ne détruiraient pas tout sur leur passage. Ils enveloppèrent la toute jeune fille dans leur respiration brûlante, lui sous-tirèrent jusqu'à son plus infime savoir et surtout, ils implantèrent en elle les plans de leur devenir.

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Commentaires
C
Mina me ressemble un peu....<br /> et je ressemble un peu à Mina ....<br /> resonnances et coeurs en échos sybillins<br /> bien à toi<br /> .Cécile-Maalaki
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